La jeunesse syrienne, une cause oubliée

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Posté sur mai 01 2019 4 minutes de lecture
La jeunesse syrienne, une cause oubliée
© Illustration Mona Wardé
La plupart des discours qui abordent le développement ciblant les réfugiés syriens tablent aujourd’hui sur la nécessité de ne pas négliger les enfants. Les gouvernements, les organisations internationales et les groupes de la société civile œuvrent ensemble pour faire en sorte que les enfants syriens intègrent l’un des nombreux réseaux conçus pour eux au Liban. En revanche, ce sont les jeunes qui sont laissés pour compte dans cette équation, alors que c’est eux qui portent dans leurs mains le flambeau de l’avenir d’une Syrie vivant en paix.
Aujourd’hui, la jeunesse syrienne au Liban n’a presque rien auquel elle peut aspirer. Laissée pendant des années sans écoles, travaillant au noir comme journaliers, impliquée dans un commerce du sexe et un trafic humain, ou même mariée jeune pour alléger le poids qu’elle représente pour sa famille, il ne lui reste plus beaucoup d’espace aux rêves. Sur les 80 000 Syriens âgés entre 15 et 18 ans et inscrits auprès du HCR, 5 % seulement sont scolarisés dans le cycle secondaire public**. Le reste est soit en dehors du cycle scolaire, soit inscrit dans un genre d’éducation informelle qui ne lui permet pas d’obtenir un certificat d’études ou de suivre par la suite des études supérieures ou une formation professionnelle. Et ce n’est pas tout. Les jeunes Syriens font face à d’autres défis. Selon un rapport du CNRS, 90 % des jeunes dans cette tranche d’âge n’ont pas de permis de séjour valides, ce qui les rend encore plus vulnérables et les empêche d’avoir accès aux services dont ils auraient pu normalement profiter, l’éducation entre autres. Cela signifie aussi qu’ils peuvent être soumis à des traitements dégradants, confrontés à des descentes de police dans les camps où ils résident, suivies de déportation. Ils voient de surcroît leur liberté de circulation réduite.
Cette situation aurait-elle pu être évitée ? Au début de la crise syrienne, l’inaction dans le domaine de l’éducation était principalement liée au manque de fonds et au fait que la communauté internationale et les pays hôtes s’attendaient à ce que la guerre se termine sans tarder et donc à ce que les enfants syriens regagnent rapidement leurs écoles en Syrie. Sauf que d’autres obstacles sont apparus simultanément, dont entre autres l’incapacité des écoles publiques libanaises à accueillir le nombre important d’enfants syriens qui avaient besoin d’être scolarisés.
S’agit-il d’un problème culturel ? Les Syriens sont-ils réfractaires à l’éducation ? En tant que professionnelle sur le terrain, je me souviens toujours très bien comment notre premier centre de soutien éducationel, le premier au Liban, avait vu le jour. C’était au début de l’an 2012. Nous étions en train de distribuer de la nourriture aux familles syriennes qui venaient d’arriver au Liban. Une jeune femme m’avait suivi dans le camp et m’a appelée par mon nom. Elle a ensuite ajouté : « Bonjour. Je suis Oumayma. J’étais enseignante en Syrie. Je ne veux pas de la nourriture. Je veux que vous m’aidiez à acheter quelques livres et je serai heureuse d’accueillir dans ma tente une vingtaine d’enfants pour les instruire ».
A l’instar d’Oumayma, toutes les familles syriennes, même les analphabètes d’entre elles, voulaient avant tout qu’une éducation soit assurée à leurs enfants. Une semaine plus tard, 200 familles avaient déjà inscrit leurs enfants auprès d’Oumayma au fur et à mesure que la nouvelle se répandait dans les camps.
Ces mêmes enfants qui s’étaient rendus dans la tente-école pour l’établissement de laquelle Oumayma avait travaillé dur, sont aujourd’hui des jeunes femmes et des jeunes hommes sans avenir. Mais il n’est pas trop tard pour agir afin de sauver la jeunesse syrienne. L’espace qu’occupe la société civile libanaise au niveau du soutien aux réfugiés syriens devrait être préservé. La localisation devrait être assurée à travers des projets lancés et gérés par la société civile, en collaboration avec ces mêmes communautés et en partenariat avec les organisations internationales et le gouvernement. Les programmes conçus pour les jeunes devraient être consolidés soit pour aider ces derniers à réintégrer l’école soit pour leur permettre de suivre des formations professionnelles, ou encore pour les doter des outils et des compétences techniques et professionnelles nécessaires afin qu’ils puissent devenir des agents actifs autonomes au sein de la société.
Tous ces projets devraient être assortis d’un soutien psychologique et d’initiatives qui donnent une place centrale aux jeunes dans ce processus, pour qu’ils puissent prendre en main leur vie et qu’ils soient capables de façonner leur avenir, et éventuellement celui de leur pays.

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