Alors, mettons-nous d’abord d’accord sur la phrase éloquente : Elle est Mère Nature ! Si nous acceptons, pour les besoins de la discussion, le récit de la création dans les livres célestes, et que nos parents Adam et Ève n’ont pas été créés à la suite d’une interaction biologique évidente, alors ce serait de l’ingratitude de nier l’esprit de maternité qui a imprégné la nature dès le début de leur création : elle a été le premier sein qui les a entourés, le premier refuge qui les a abrités, et leur première sécurité après le péché originel parce qu’il y dans sa chaleur, comme une étreinte, comme la première étreinte. Dans la langue arabe, nous qualifions de « naturel » tout ce qui demeure suivant une norme stable. Nous attribuons l’adjectif donc à la nature, comme étant l’origine de tout et le bien en tout. Et si nous lui rendions le bien et la générosité ? C’est ce qui traduit le bénéfice mutuel à travers les activités environnementales qui favorisent la rencontre des individus et la création d’une atmosphère d’intimité et de convivialité entre eux.
Ce que la guerre a séparé, la nature l’a rassemblé !
Dans notre monde matérialiste qui regorge de mal, il n’est pas étonnant que la nature soit la médiatrice et le lieu de rencontre. Aujourd’hui, c’est le meilleur médiateur entre des belligérants que la politique a séparés et que l’amour de la nature a réunis. Et notre Liban, historiquement chargé de guerres et de malheurs, la géographie lui a rendu justice avec un climat unique et une nature magnifique. Cette nature était le refuge tendre pour les personnes épuisées par le souvenir de la guerre civile libanaise, et leur inspiratrice dans la marche sur le chemin de la paix. Ils ont donc lancé à cet effet une association sous le nom de Fighters for Peace (Militants pour la paix). Cette association a été fondée en 2014 par des ex-combattants de la guerre civile libanaise qui appartiennent aux différents partis politiques impliqués dans la guerre. Ces personnes ont constaté qu’il n’y avait pas de salut par la violence. Ils ont donc adopté le slogan « la violence n’est pas une solution » et en ont fait un objectif pour l’association. Pour atteindre cet objectif, les militants organisent des séances d’aveux et de réconciliation entre les parties belligérantes en temps de guerre, essayant de construire des ponts solides vers la paix. Il ne fait aucun doute que la nature est le lieu le plus propice pour libérer l’énergie négative et l’ambiance tendue qui entourent de telles séances. L’un des membres fondateurs de l’association, Badri Abou Diab, affirme que les expériences de dialogue les plus réussies ont eu lieu dans les bras de la nature. Abou Diab se souvient d’une des balades agréables réalisées par les participants l’an dernier dans la nature, qui réunissait des jeunes de la nouvelle génération et des ex-combattants. Cette marche a pris un caractère de découverte pour les sites militaires du temps où la nature était un fief de points militaires et où les installations et équipements militaires expriment encore la réalité de la guerre. Abou Diab décrit cette rencontre comme une rencontre interactive réussie, car elle a réuni des jeunes appartenant à des partis politiques belligérants et les a informés de l’importance historique du lieu. A propos de l’impact de la marche sur lui, Abou Diab déclare : « Je connais cette zone dans deux cas, premièrement en tant qu’officier militaire qui la visitait pour sélectionner des sites militaires, et deuxièmement en tant que militant pour la paix qui y recourt pour organiser une rencontre amicale et un dialogue fructueux ». Il a ajouté : « Il est faux de dire que l’histoire se répète, car je suis l’ancien combattant qui voit aujourd’hui cette région avec des yeux qui cherchent la beauté, après qu’elle a été pour lui un point militaire qui a été témoin d’horreurs et de tragédies ». D’un point de vue général, Abou Diab estime que la nature géographique du Liban a obligé les parties en conflit à collaborer entre elles que ce soit sur le plan économique, commercial ou touristique, ce qui a favorisé l’anéantissement des termes de discrimination qui étaient adoptés auparavant, tels que Zone Est, Zone Ouest, et d’autres termes.
De plus, les jeunes affiliés cherchent à transformer certaines zones qui formaient autrefois des lignes de démarcation, en étendues boisées, pour dédommager ce que la guerre a déformé dans la nature. Il est à noter que, pour élargir son champ d’influence, l’association coopère avec de nombreux acteurs, comme les écoles et les universités, dans le but de s’adresser à la nouvelle génération et de la sensibiliser à l’importance de la paix et du renoncement à la violence. L’association coopère également avec des organismes locaux, ainsi qu’avec des organismes de soutien internationaux, pour bénéficier de leur expertise dans ce domaine et créer un noyau de jeunes luttant pour la paix. La nature ne réunit pas les mauvais, mais toujours les bons.
La nature de Kfarmatta accueille ses enfants
Les activités environnementales et sportives ont également des répercussions positives sur les relations, car elles augmenteraient les chances de rencontre entre des individus issus de milieux hostiles. La région de Kfarmatta a porté le fardeau des drames et des massacres au moment de la guerre civile libanaise, mais les groupes de jeunes ont tenu à tourner la page sombre et sanglante de cette époque pour redonner vie à la région avec le soutien de la nature. Un bon exemple est ce que fait aujourd’hui l’association caritative « Inmaa Kfarmatta » à travers ses activités environnementales et sportives ciblées. Lors d’un entretien avec la militante de l’association, Lara El-Deeb, cette dernière nous a expliqué le contenu et l’importance de ces activités, car l’association met généralement en œuvre des initiatives d’escalade en montagne (Hiking), de cyclisme (Biking), de randonnée dans la nature et d’autres activités récréatives intéressantes. Ainsi, ces activités attirent plus d’une centaine de personnes par semaine, rassemblant des citadins de toutes tranches d’âge et de toutes confessions. Il convient de noter que ces activités prennent parfois un caractère national, à travers la participation de clubs sportifs et d’individus de différentes régions libanaises en dehors de toute considération de ce qui était auparavant source de conflits régionaux et sectaires entre les peuples d’un même pays. En plus de ce qui précède, l’association organise des itinéraires pour visiter les sites patrimoniaux et les sites archéologiques de la ville et organise des ateliers de formation spécialisés dans l’agriculture, le reboisement, le traitement des déchets et d’autres projets environnementaux en coopération avec des organismes locaux et internationaux. Toutes ces activités développeraient chez les jeunes un sentiment d’appartenance à leurs racines rurales et renforceraient leur attachement à leur terre, les sensibilisant à l’importance de la préservation de l’environnement et aux bienfaits sanitaires et psychologiques gagnés en profitant de la nature et de ses richesses. Dans ce contexte, El-Deeb a noté le sérieux intérêt des jeunes pour ces activités, et leur tendance efficace à cultiver la terre et à explorer la nature. Ces activités constituent aujourd’hui un environnement d’incubation pour ces jeunes de différentes sectes et affiliations dans une atmosphère pleine d’intimité et de paix, leur offrant la possibilité d’une saine intégration sociale sur la base de la coopération, de l’harmonie et de l’amour.
Le nettoyage des plages n’est plus ennuyeux !
Au fil du temps, la nature a été le principal compagnon de l’âme. Chaque fois qu’une personne patauge dans son environnement matériel, on la voit automatiquement retourner sur son territoire, pour qu’il retrouve sa tranquillité en le contemplant, et qu’elle réveille en lui une inspiration refoulée. Cet état poétique emporte encore les amoureux de la nature, qui voient en elle les meilleures compagne et compagnon, et y puisent leur énergie pour continuer le chemin. L’expérience de Nabil Awwad est un exemple sérieux de la relation amicale entre l’homme et la nature. Après qu’il a passé sa jeunesse à l’étranger et qu’une maladie maligne lui ait fait perdre un de ses poumons, Awwad est retourné au Liban pour embrasser les océans avec son poumon restant. Voyant sa passion, on lui a demandé d’être vigilant pour ne pas perdre son seul poumon à cause de la pollution de l’eau, mais il a défié et a décidé de nettoyer la plage pour se baigner. Il y a trois ans, Awwad a fondé avec Lisa Sofiane l’association « Swim Initiative » et mis en place une vaste campagne environnementale sous le slogan « Bahrak Elak » (Ta plage t’appartient), dont le but est de nettoyer la plage libanaise le long de la côte, puis de passer du temps de qualité avec les participants après la réalisation de la mission. Cette campagne a commencé l’année dernière à partir de Naqoura le 21 août et s’est terminée à Tripoli le 3 septembre en passant par 14 plages. Ce qui distingue ce rassemblement, c’est la pluralité sectaire et régionale, voire la pluralité professionnelle qui sert l’objectif de la campagne. Parmi les participants se trouvent des écologistes, des plongeurs professionnels et des influenceurs, unis par leur amour de la nature et de l’exploration, et leurs bonnes intentions convergent dans un cadre collaboratif et dans une atmosphère pleine de familiarité et d’amour. « Nous avons commencé la tâche avec 40 participants et l’avons terminée avec 2 700 participants », explique Awwad, et ce nombre n’est pas facile à atteindre lors d’activités environnementales. A part ça, Lisa nous a parlé d’un projet d’envergure qui verra bientôt le jour, qui associe une activité environnementale et sportive dans plusieurs lieux géographiques pendant laquelle chacune des équipes en compétition s’occupe de nettoyer une région. Ces initiatives sont des preuves importantes que la culture environnementale commence à s’infiltrer, bien que faiblement, dans la société libanaise, mais les années à venir verront certainement une augmentation significative de son rôle.
Un refuge sûr de Corona
Tous les secteurs sont touchés par la pandémie mondiale, à l’exception des activités environnementales, qui ont pris de l’ampleur et ont vu leurs adeptes se multiplier. Avec la propagation épidémique du virus Corona, la nature a ouvert ses portes pour accueillir les visiteurs assoiffés de sécurité dans ses bras. Des individus, de tous âges, ont trouvé dans la nature l’exutoire sûr et optimal loin de la peur de l’ennemi viral, et c’est ce que Lara El-Deeb nous a confirmé à travers l’expérience de l’association. Même les rencontres de franchise et de réconciliation avec Fighters for Peace ont été plus réussies dans la nature. Seule la nature est capable d’absorber toutes les énergies négatives pour charger à leur place une atmosphère d’intimité et de sécurité. Sur le plan personnel, Badri Abou Diab nous a raconté son expérience personnelle, qui illustre la condition de nombreux habitants de la ville, et dit : « La propagation de l’épidémie a été pour moi l’occasion de retourner chez moi à la campagne, alors j’ai passé la plupart de mon temps à contempler les créatures du Créateur et la beauté de la création. Cela m’a donné une paix intérieure et a secoué la tension et l’anxiété relatives à la situation sanitaire et vitale ». Présenter ces expériences dans ce contexte confirme le dicton : « Corona a vaincu le monde, mais la nature l’a vaincu ».
Les malheurs de la nature nous rassemblent
Même les malheurs de la nature étaient une source de convergence, non de divergence. C’est ce que nous avons constaté lors des incendies de Labouneh à Naqoura l’été dernier. Ali Melhem, membre de la Défense civile, nous parle des immenses efforts humains qui ont été déployés pour éteindre les incendies. Des jeunes de différentes régions ont afflué pour apporter leur soutien, et les maires des communes environnantes n’ont pas hésité à proposer leurs services et à donner un coup de main dans cette épreuve. Les instances internationales présentes dans la zone ont également été parmi les premières à intervenir, les forces de la FINUL disposant d’équipements modernes et d’équipes spécialisées dans l’extinction des feux de forêts. Ce processus d’extinction a duré de nombreuses heures, et elle a finalement pu, grâce à tous ses efforts, maîtriser les flammes qui avaient consumé plus de 40 acres de chênes. Il fallait donc reboiser ce qui avait brûlé. En effet, des chênes ont été replantés dans la zone de Labouneh, grâce à la coopération fructueuse entre la communauté locale et les bailleurs de fonds internationaux. Nous plaçons tout cela dans le cadre de « la réponse à l’appel de la nature ». Si elle appelle, les âmes tendres se précipitent pour répondre à son appel.
En conclusion, il n’y a pas de place pour le mal dans le lexique de la nature, car les humains se retrouvent pour l’aimer malgré toutes leurs différences. Plus important encore, elle n’est pas seulement un médiateur des relations humaines, mais aussi l’image du Créateur sur terre et notre lien avec Lui. Que nous venions vers elle individuellement ou en groupes, en temps de paix ou de guerre, elle sera l’étreinte chaleureuse qui nous contient. Alors, confirmons notre premier accord : Elle est notre mère nature, une mère tendre qui ne donne que le bien et n’exige de ses enfants aucune récolte !