Mahmoud grandit avec des idées différentes sur la vie. Il est devenu éducateur, formateur et concepteur d’expériences d’apprentissage. Il a combiné la philosophie et le théâtre, le monde académique et artistique, pour créer son propre projet éducatif « Therefore Play » – une initiative qui utilise le jeu comme outil d’apprentissage, d’expression et de communication.
Il dit : « Aujourd’hui, je me considère avant tout comme un enseignant. L’être humain m’importe plus que tout. J’ai travaillé et me suis spécialisé dans des domaines qui touchent cette passion, avec un parcours académique et technique. Très tôt, j’ai commencé à travailler avec des individus et des groupes dans les domaines du développement personnel, du développement organisationnel et de l’éducation. »
Pour en arriver là, Mahmoud a dû jouer. Enfant de la guerre, il dit : « Le monde extérieur était mon véritable terrain de jeu. Nous jouions sur la place, derrière la maison, et entre les oliviers. Jouer dehors occupait une grande partie de ma journée. » Il se souvient encore de son jeu préféré : « Sept pierres ». « On empilait sept pierres et on essayait de les faire tomber avec une balle, puis on les reconstruisait avant que l’équipe adverse ne nous touche. » Mahmoud estime que ces jeux simples ont forgé en lui une conscience différente du jeu.
Il ajoute : « Enfants, nous inventions de nouveaux jeux avec les copains du quartier, malgré les dangers de la guerre. Nous allions jouer dans les champs, malgré le risque des mines. Pour nous, l’aventure faisait partie du jeu. » Il poursuit : « Il n’est pas étonnant que la victoire soit le but principal de l’enfant. » Mais quand Mahmoud gagnait, cela créait des tensions entre les enfants. Très jeune, il décida de transformer cette tension en un message de vie. « Quand mon ami a perdu, j’ai commencé à penser que certains jeux ne sont pas faits pour gagner, mais pour continuer ensemble et créer un espace où revenir. » Il affirme que ces expériences simples, à un jeune âge, lui ont appris que le jeu contient des leçons bien au-delà de ses règles.
Il a plus tard découvert le concept des « jeux finis et infinis ». Les premiers ont un début et une fin, avec des gagnants et des perdants. Les seconds sont joués uniquement pour que le jeu continue.
Le jeu ne resta pas une simple étape : il devint un outil central dans sa vie professionnelle. À l’université, il étudia la psychologie, puis obtint un doctorat en éducation. Durant ce parcours, il étudia aussi au Conservatoire national supérieur de musique à Saïda (sud du Liban). Il commença par le oud, puis adopta le ney, qu’il décrit comme un instrument magique qu’il emporte partout. « Le ney m’aide à créer une nouvelle réalité, que ce soit dans des moments de stress ou pendant les ateliers. Je crois que la musique et le jeu ouvrent des portes de communication humaine profonde. »
À propos de l’initiative « Therefore Play » qu’il a fondée, il explique qu’elle propose une variété d’activités pour entreprises, institutions et individus de tous horizons. Pour les institutions, il conçoit des ateliers interactifs visant à renforcer l’esprit d’équipe, développer une vision et une mission communes, stimuler la pensée créative et stratégique, et planifier l’avenir de manière participative.
Pour les individus, l’initiative favorise le développement personnel, les compétences de vie, la reconnexion, l’ouverture à l’autre, l’imagination, et le bien-être psychologique. À travers ces activités, elle cherche à améliorer la capacité des individus et des institutions à résoudre les problèmes quotidiens, à renforcer le travail collectif, et à créer des environnements sains. « Cette initiative redonne au jeu sa place naturelle... un outil pour se comprendre et interagir avec les autres. »
Mahmoud insiste sur la nécessité de « changer l’approche traditionnelle de l’éducation, qui ressemble à un modèle industriel où les apprenants reçoivent un savoir uniforme. » Selon lui, l’éducation a aujourd’hui besoin d’un changement fondamental dans la façon d’aborder les apprenants, les contenus et le processus éducatif. « Le modèle traditionnel ne convient plus. Il faut une approche qui ressemble davantage à un terrain de jeu qu’à une salle de classe – où les rôles sont repensés, l’apprenant au centre, et l’enseignant devient accompagnateur, facilitateur, et non transmetteur d’informations. »
Il explique que « le jeu ouvre des espaces de croissance, de réflexion et de découverte. Les capacités des apprenants se développent de manière plus profonde et interactive. Quand la classe devient un vrai terrain de jeu, l’apprentissage se transforme en une aventure vivante, pleine d’expériences. » Pour Mahmoud, « le jeu n’est pas juste un outil pédagogique, c’est une énergie intérieure présente en chaque être humain – une capacité innée qui ne s’apprend pas. Dès l’enfance, nous avons appris en jouant, développé notre communication, exploré l’imaginaire, résolu des conflits, et construit notre relation au monde. »
Pour lui, le jeu est « un troisième espace, entre la réalité et la possibilité, entre ce que nous sommes et ce que nous pourrions être. Tandis que l’éducation traditionnelle se concentre sur la récitation, le jeu change les règles : il n’y a plus de récepteur passif, tout le monde participe, interagit, et le formateur évolue avec l’apprenant. »
Il conclut : « Pour toutes ces raisons, j’ai choisi le jeu… non pas parce qu’il est l’opposé du sérieux, mais parce qu’il est une porte d’entrée profonde vers la créativité, l’apprentissage véritable, et le développement personnel et collectif. »