Les souffrances de la guerre civile à travers les histoires des gens

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Posté sur mai 01 2019 6 minutes de lecture
Les souffrances de la guerre civile  à travers les histoires des gens
Des visiteurs partagent leurs experiences durant la guerre civile © Joelle El Dib - LAH
Le 13 avril 2019, les élèves de seconde de huit écoles publiques ont mis l’accent sur des expériences vécues, dans le cadre d’un exposé final clôturant le programme de l’histoire orale ayant pour titre : « De l’histoire locale vers une meilleure compréhension de l’avenir », organisé à l’AUB les 13 et 14 avril.
Cette initiative pionnière, lancée par l’Association libanaise pour l’histoire (LAH) en partenariat avec le Forum pour la paix civile a mis à contribution plus de 200 élèves qui ont recueilli des témoignages de ce qu’on appelle « l’histoire orale », à travers des entretiens effectués avec des personnalités choisies dans leurs sociétés respectives. Ces personnalités devaient raconter la vie quotidienne dans leurs régions pendant les périodes de conflits violents. Cette expérience est destinée à leur permettre de se faire une idée des changements sociaux, culturels et économiques qui ont frappé le rythme quotidien de la vie des Libanais.
Certains groupes ont insisté sur les conséquences de ce nouveau mode de vie sur le secteur de l’enseignement et sur les leçons inculquées aux élèves, d’autres ont préféré insister sur le secteur des transports et d’autres encore sur le déplacement des populations, ou encore sur le rôle de la femme pendant cette période difficile.
L’histoire des gens
« C’est une approche nouvelle au Liban dans le domaine de l’enseignement de l’histoire qui insiste sur le quotidien des gens et leur vécu ». C’est ce qu’a déclaré la présidente de la commission libanaise d’histoire Nayla Khodr Hamadé. Le plus important dans ce projet qui s’étend sur deux ans, selon elle, « est le fait qu’il introduit de nouvelles approches auprès de ceux qui élaborent les programmes, de manière à mettre l’accent sur l’histoire sociale et humaine lorsqu’il s’agit d’aborder une période donnée, tout en développant chez les élèves l’esprit critique, pour pouvoir tirer les leçons du passé et mieux comprendre le présent ».
Selon Nayla Khodr Hamadé, « à travers cette expérience de collecter des histoires personnelles et une histoire orale en posant des questions et en retransmettant les versions, tout en essayant de les analyser et de les évaluer, les élèves développent leurs capacités et leur confiance en eux. Ils sont en mesure de contribuer d’une façon particulière à l’écriture de l’histoire à partir de sujets très importants pour leur présent et pour leur avenir. En même temps, ils permettent d’avoir une vision plus précise du passé, ce qui leur permet de compléter leur compréhension particulière du passé et en même temps de mieux accepter la différence, la diversité et le respect de l’autre ».
De son côté, la directrice du projet au sein du Forum pour la paix civile Jenny Monroe a précisé : « Nous avons choisi d’utiliser les histoires de gens ordinaires comme introduction pour revoir l’histoire du Liban ». Elle a ajouté que ce projet vise à faire participer un plus grand nombre de groupes au débat sur les conflits violents, qui sera ainsi plus rassembleur et respectueux des différences et de la diversité. En même temps, ce projet ouvre un débat entre les générations à travers les élèves et les témoins qui racontent leurs perceptions particulières et leur vécu d’une période précise. Ce procédé permettra de mettre côte-à-côte des vécus différents et des versions parfois contradictoires des conflits loin des analyses politiques et de la description des combats.
Jenny Monroe a encore déclaré que « ce procédé permet de donner des versions différentes du passé. Ce qui permet de mieux le comprendre, surtout lorsqu’il fait l’objet de conflits et de polémiques ».
Une des enseignantes qui a participé au projet explique de son côté que les professeurs ont établi avec les élèves des questions précises, tout en laissant à l’élève la possibilité de réagir et d’ajouter une question dans le sillage du récit s’il le juge utile. « Les élèves, dit-elle, ont ainsi découvert que les drames vécus par les gens sont identiques pendant les conflits violents. Nul ne gagne lorsqu’il utilise la force. Au contraire, tout le monde perd et les souffrances des gens sont les mêmes ».
Du bas jusqu’au haut de la pyramide
Qu’est-ce que l’histoire orale et quelle est son importance ? Dr Maria Abou Nasr, spécialiste dans ce domaine et conseillère du projet, explique : « L’histoire orale est l’un des terrains d’étude qui englobe l’enregistrement des termes utilisés par les gens qui ont vécu une période donnée et qui leur ont permis de conserver leurs souvenirs et de les interpréter ». Pour elle, le fait de dire qu’il s’agit d’un terrain d’étude signifie qu’il y a plusieurs approches. Cela permet de raconter l’histoire à partir de la base vers le sommet de la pyramide, au lieu du processus contraire. En d’autres termes, il y a, grâce à ce procédé, l’histoire racontée par les gens et celle racontée par les gens au pouvoir. De même, ce procédé permet de raconter les versions vécues par ceux dont on ne tient généralement pas compte dans les versions officielles de « l’histoire ».
Elle évoque ensuite la logistique de la réalisation du projet, en précisant que les enseignants se sont familiarisés avec l’histoire orale à travers 4 ateliers de travail pour pouvoir pousser les élèves à rassembler des histoires orales dans les sociétés locales.
Selon une des participantes à ces ateliers de travail, l’importance de ce projet est qu’il met l’accent sur les expériences personnelles des habitants d’une région, loin des considérations et des interventions politiques. Les gens racontent comment ils ont vécu certains événements qui se sont produits à une époque précise. Elle affirme que le lancement et l’ouverture de l’exposition finale aura lieu « en présence des élèves, des équipes administratives et éducatives, des habitants qui ont été interrogés et des représentants de la société civile pour que nous puissions tous faire connaissance avec notre histoire sociale ». Elle ajoute aussi que grâce à ce projet, « nous avons pu faire l’expérience de nouvelles méthodes d’enseignement de cette matière, de façon interactive, en faisant passer l’élève de celui qui reçoit l’information à celui qui contribue à son élaboration ».
De la sorte, l’histoire orale permet en pratique de rapprocher les distances entre les générations montantes et celles qui les ont précédées. C’est une nouvelle méthode d’enseignement souple et en même temps attrayante qui permet aux jeunes de découvrir que quelles que soient les versions, la tragédie, les souffrances et la peur sont les mêmes pour tous les habitants en période de guerre et de conflits violents. L’histoire orale rejoint en quelque sorte le fameux slogan qui a été lancé pour commémorer le 13 avril : « Se souvenir pour que cela ne se reproduise pas ».

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