Le Liban n’est pas différent en ce qui concerne cette question ; les troubles régionaux prolongés ont eu un impact direct sur la situation politique, sociale et économique du pays. En conséquence, les progrès vers l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ont été entravés (Avis, 2017). En référence à une étude réalisée sur les femmes libanaises qui travaillent concernant les contraintes auxquelles elles sont confrontées ; les résultats indiquent que les limites mentionnées par les femmes cadres libanaises sont comparables à celles que l’on retrouve au niveau mondial. Les différences principales sont la proéminence très ressentie des normes et attentes culturelles qui limitent les femmes à des rôles conventionnels, ainsi qu’un sentiment plus prononcé de patriarcat (Jamali, Sidani et Safieddine, 2005). Par exemple, 60 % des hommes et 45 % des femmes disent que la fonction la plus essentielle d’une femme est de s’occuper de sa famille (El Feki, Barker et Heilman, 2017). Alors, quelles sont les principales causes qui ont conduit à ces attentes culturelles envers les femmes en premier lieu ? Et comment le talent féminin est-il délimité dans le secteur de l’énergie au Liban malgré l’écart entre les sexes et les contraintes qui sont en constante progression ?
Les attentes prédominantes concernant le rôle des femmes dans la société peuvent être attribuées à l’éducation que nous imposons à nos enfants. Je soutiens que les principales causes de ces attentes culturelles sont liées à nos systèmes éducatifs. Les filles et les garçons grandissent dans l’idée fausse de l’égalité des sexes et de la normalisation de la ségrégation entre les sexes dans les domaines d’études. Ces disparités ne sont pas causées par des différences de capacité, mais plutôt par des hypothèses sociales qui affectent l’accès d’un individu aux opportunités (Schomer et Hammoud, à paraître - 2019). Cette présomption de la profession de femme se reflète dans les statistiques du nombre de filles inscrites dans les universités, notamment dans le secteur de l’énergie. Au Liban, 8 universités proposent 15 diplômes liés à l’énergie dans le cadre de leurs diplômes universitaires de quatre ans et de leurs diplômes d’études supérieures (y compris les masters et les doctorats). L’inscription des femmes dans les disciplines des STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) est en baisse dans les collèges publics et privés ; la baisse est d’environ 10% dans les institutions publiques et de 14% dans les universités privées (Ahmad et al., 2019). Cela n’est pas totalement surprenant étant donné que des recherches récentes menées dans le monde entier indiquent un lien contradictoire entre l’égalité des sexes et les taux d’inscription dans les domaines des STIM, les pays moins égalitaires faisant mieux que les pays plus égalitaires (Stoet et Geary, 2018). La raison en est qu’une éducation aux domaines des STIM peut offrir aux femmes de nombreuses possibilités de développement économique et d’indépendance, en particulier dans les pays où les contraintes liées au genre limitent leurs options de carrière (Stoet et Geary, 2018). Pour encourager davantage les filles, depuis leurs années d’école, à entrer dans le secteur de l’énergie, les conseillers scolaires doivent aider les élèves à faire le bon choix concernant l’enseignement supérieur et les options de carrière (Murphy, 2016). Au niveau de l’enseignement pré-tertiaire, les interventions critiques pourraient inclure des programmes de conseil ciblant les étudiantes dans les écoles secondaires afin de les exposer aux options des programmes des STIM pendant leurs études universitaires. Ces programmes peuvent aussi les sensibiliser aux diverses opportunités qu’elles peuvent rencontrer dans le secteur de l’énergie une fois qu’elles entrent sur le marché du travail (Ahmad et al., 2019). Les familles doivent faire un effort supplémentaire pour participer à ces programmes de conseil, en particulier les papas et les tuteurs masculins, afin qu’ils créent une solide compréhension des avantages de voir les hommes et les femmes travailler dans le domaine, et qu’ils encouragent à leur tour les membres féminins et masculins de la famille à normaliser l’égalité des sexes (Ahmad et al., 2019). Le marché de l’emploi est la meilleure preuve de l’inégalité entre les sexes, en particulier dans l’industrie de l’énergie et elle s’accentue à mesure que les degrés d’ancienneté sur le lieu de travail augmentent (Ahmad et al., 2019). Bien que les données sur l’emploi des femmes dans l’industrie soient rares, les données générales sur le marché du travail montrent que la participation des femmes à la population active n’est que de 23 %, contre 71 % pour les hommes, et que le chômage des femmes est de 5 %, contre 10 % pour les hommes (Banque mondiale, s.d.).
Malgré l’écart entre les sexes que nous connaissons au niveau local et mondial, les talents féminins trouvent toujours le moyen de briller dans toute cette obscurité. Les inégalités sont visibles dans le manque de diversité de genre dans l’environnement professionnel de l’énergie au Liban, qui est dû à une combinaison de difficultés institutionnelles, structurelles et normatives ayant un impact sur la participation des femmes aux programmes d’études et leur engagement dans l’industrie (Ahmad et al., 2019). Cependant, nous sommes toujours témoins de talents féminins, tels que Carol Ayat, qui sert d’inspiration à de nombreuses jeunes filles. Carol Ayat est une banquière d’investissement et une experte en financement de l’énergie. Elle est la fondatrice et la responsable du département de financement de l’énergie de Bank Audi, dont l’objectif est de promouvoir les solutions du secteur privé pour satisfaire les demandes énergétiques des Libanais. Carol a collaboré avec le secteur public et un certain nombre de prêteurs étrangers pour créer le premier contrat d’achat d’électricité au Liban qui respecte les critères internationaux de bancabilité. Elle coordonne maintenant les efforts au Liban pour obtenir des financements pour des projets d’énergie solaire. (Berytech, 2021). En outre, Ayat a écrit un article intitulé « Leveraging the Banking Crisis to Crowdfund Electricity Reform in Lebanon » (Tirer parti de la crise bancaire pour financer la réforme du secteur de l’électricité au Liban par crowdfunding) qui fait la lumière sur des stratégies innovantes qui incorporent un nouveau modèle de financement pour financer les investissements de la réforme de l’électricité dans la production, la transmission et la distribution (Blog Baladi). Carol Ayat est un exemple parmi tant d’autres de femmes qui ont réussi, mais l’inégalité entre les sexes est encore persistante et le sera toujours jusqu’à ce que nous, en tant que société, connaissions un changement de paradigme.
Bibliographie
Ahmad, A., Kantarjian, L., El Ghali, H., Maier, E. et Constant, S. (2019). Shedding light on female talent in Lebanon’s energy sector [Faire la lumière sur les talents féminins dans le secteur de l’énergie au Liban]. https://doi.org/10.1596/31608
Carol Ayat. Berytech. (2021, 28 janvier). Consulté le 28 octobre 2021 sur https://berytech.org/profiles/carol-ayat/.
El Feki, S., Barker, G. et Heilman, B. (2017). Understanding masculinities, results from the International Men and Gender Equality Study in the Middle East and North Africa [Comprendre les masculinités, résultats de l’étude internationale sur les hommes et l’égalité des sexes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord]. Le Caire et Washington, D.C. : ONU Femmes et Promundo-US. Consulté sur http://www.unwomen.org//media/headquarters/attachments/sections/library/publications/2017/images-mena-multi-country-report-fr.pdf?la=fr&vs=3602 .
IRENA. (2018). Renewable Energy and Jobs Annual Review 2018 [Revue annuelle 2018 sur les énergies renouvelables et les emplois]. Consulté à l’adresse https://irena.org/-/media/Files/IRENA/Agency/Publication/2018/May/IRENA_RE_Jobs_Annual_Review_2018.pdf.
Jamali, D., Sidani, Y. et Safieddine, A. (2005), Constraints facing working women in Lebanon : an insider view [Contraintes auxquelles sont confrontées les femmes qui travaillent au Liban : une vue de l’intérieur], Women in Management Review, Vol. 20 No. 8, pp. 581- 594. https://doi.org/10.1108/09649420510635213.
Murphy, J. (2016, septembre). The Undervaluing of School Counselors [La sous-évaluation des conseillers scolaires]. The Atlantic. Consulté sur https://www.theatlantic.com/education/archive/2016/09/the-neglected-link-in-the-high-school-to-college-pipeline/500213/.
Must-read: Carol Ayat's end-to-end solution to the energy crisis in Lebanon [À lire : La solution de bout en bout de Carol Ayat à la crise énergétique au Liban]. Blog Baladi. (s.d.). Consulté le 28 octobre 2021, à l’adresse https://blogbaladi.com/must-read-carol-ayats-end-to-end-solution-to-the-energy-crisis-in-lebanon/.
Schomer, I. et Hammoud, A. (à paraître - 2019). Women in STEM : Promoting Women’s Employment in Infrastructure Sectors [Les femmes dans les domaines des STIM : Promouvoir l’emploi des femmes dans les secteurs de l’infrastructure]. Groupe de la Banque mondiale.
Stoet, G. et Geary, D. (2018, février). The Gender-Equality Paradox in Science, Technology, Engineering, and Mathematics Education [Le paradoxe de l’égalité des sexes dans l’enseignement des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques]. 29(4), pp. 581-593. doi:10.1177/0956797617741719.
William R. Avis. 2017. Gender Equality and Women’s Empowerment in Lebanon [L’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes au Liban]. Knowledge, Evidence and Learning for Development [Connaissances, données probantes et apprentissage pour le développement].
Banque mondiale. (2008). Lebanon: Electricity Sector Public Expenditure Review [Liban : Examen des dépenses publiques du secteur de l’électricité]. Wahington DC : Groupe de la Banque mondiale. Consulté sur http://siteresources.worldbank.org/INTMNAREGTOPENERGY/Resources/Lebanon ElectricityPER.pdf