Repenser l’éducation après le Covid-19 : les écoles sont-elles équipées pour ce changement de format ?

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Posté sur déc. 09 2020 par Kamal Abouchedid, Doyen de la faculté des sciences humaines à l’Université Notre-Dame de Louaïzé 6 minutes de lecture
Repenser l’éducation après le Covid-19 : les écoles  sont-elles équipées pour ce changement de format ?
Rand Hm @zaafa_a
L’épidémie imprévue de Covid-19 a contraint les établissements scolaires à déplacer l’enseignement vers des formats d’urgence improvisés. La pandémie a entraîné un changement de paradigme, avec des réponses différentes pour s’adapter à ces conditions. Le Liban a réagi de manière adaptée pour assurer la poursuite de l’éducation durant la fermeture.

L’épidémie imprévue de Covid-19 a contraint les établissements scolaires à déplacer l’enseignement vers des formats d’urgence improvisés. La pandémie a entraîné un changement de paradigme, avec des réponses différentes pour s’adapter à ces conditions. Le Liban a réagi de manière adaptée pour assurer la poursuite de l’éducation durant la fermeture. La circulaire numéro 15, publiée le 17 mars 2020 par le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, a souligné trois volets parallèles permettant aux élèves de renouer avec le cursus : retransmission des cours à l’intention des élèves des classes de brevet et de terminale, et de ceux qui n’ont pas accès à l’Internet ; déploiement de plateformes électroniques pour assurer une communication interactive entre les enseignants et les étudiants d’une part et les directions du ministère et de l’Université libanaise d’autre part ; distribution aux élèves de matériel et de tests par l’intermédiaire des directeurs des écoles. Le choix du moyen le plus approprié a été laissé à la discrétion des directeurs des établissements concernés[1]. En outre, le ministère a invité des enseignants bénévoles des écoles publiques et privées à filmer les cours qui seront diffusés à la télévision à l’intention des élèves qui doivent présenter les examens officiels[2].

La modalité à trois volets se rapprochait davantage d’une infrastructure pour accéder aux cours que de la pédagogie d’apprentissage. La priorité n’a pas été accordée à la composante pédagogique au vu de la nature urgente de la transition, et faute de plans d’urgence guidés par une vision. Par conséquent, « l’enseignement à distance en situation d’urgence » proposé par Hodge et Al. (2020)[3] reflète mieux la modalité de prestation en ligne pendant la pandémie que ne le fait le terme « apprentissage en ligne ». En effet, l’apprentissage en ligne ne consiste pas uniquement à fournir du contenu en ligne. Ce n’est pas non plus un outil utilisé en dehors de la pédagogie. C’est un art qui nécessite des aptitudes et des compétences pour concevoir des « salons de tchat » en ligne, des activités pour faciliter la résolution de problèmes, et une pensée critique (Branch & Dousay, 2015)[4], sans parler de la nécessité d’encourager les discussions entre les apprentis selon la tradition humaniste du dialogue réflexif.

Plus récemment, la circulaire 463/2020 a prévu la mise en place de l’apprentissage hybride dans les écoles, partiellement et progressivement à partir du 10 octobre 2020[5]. La circulaire comprend cinq articles, dont aucun ne portait sur la pédagogie. Le conflit de pouvoirs entre le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et le Centre pour le développement de la recherche pédagogique (CDRP) a fait même échouer les initiatives fragmentaires pour optimiser l’expérience en ligne durant la pandémie.

 

Infrastructure et accès aux plateformes et outils

En raison de l’infrastructure insuffisante, les sessions en ligne ont été fréquemment interrompues par une panne de courant, entraînant des frustrations et des interruptions. La mauvaise connexion a constitué un obstacle tout aussi important à l’enseignement en ligne, indépendamment du champ scolaire. Le téléchargement d’images a été freiné par une bande passante limitée. Les vidéos ont été arrêtées et certaines options vocales désactivées pour limiter au minimum la consommation de la bande passante afin de pouvoir terminer les sessions.

Les écoles qui se sont abonnées à Office 365 ont trouvé que l’utilisation de Skype Entreprise ou Microsoft Teams pour la livraison des cours en ligne, ou encore Zoom, était avantageuse, ce qui n’était pas le cas des écoles ayant moins investi dans la technologie. Les enseignants ont parfois complété leurs cours par des enregistrements vocaux et utilisé le forum de discussion sur Blackboard ou Moodle, selon la plateforme d’apprentissage en ligne adoptée par l’établissement scolaire. Il est notoire qu’au Liban, les écoles privées utilisent généralement les plateformes d’apprentissage en ligne pour l’enseignement et l’éducation dans une plus grande mesure que leurs homologues publiques. La différence qui existe dans le déploiement des installations et des outils dans les écoles publiques et privées a soulevé des préoccupations concernant les questions d’accès, d’égalité et d’équité.

 

Que s’est-il passé derrière les écrans durant le confinement ?

Le système scolaire libanais adhère largement et massivement aux modèles traditionnels d’éducation dans ses diverses formes, y compris l’accent mis sur les conférences et les approches centrées sur l’enseignant ce qui affaiblit l’apprentissage constructiviste et limite la pensée critique. Cette faiblesse pédagogique évidente dans l’enseignement des mathématiques et des sciences, pour ne prendre qu’un seul exemple, a été corroborée par les résultats des tests TIMSS (Tendances dans les études internationales de mathématiques et des sciences) pour le Liban au cours des dernières années. L’ambiance qui règne dans les classes traditionnelles semble avoir été également transposée vers l’environnement en ligne. Alors qu’il n’y a pas assez de recherches sur l’environnement pédagogique dans les écoles libanaises, on sait peu de choses sur l’interaction en ligne entre les élèves et les enseignants, mais surtout sur la manière dont les élèves ayant des difficultés cognitives ou autres ont été intégrés à l’environnement en ligne. Des preuves anecdotiques soulignent une insatisfaction généralisée parmi les élèves et leurs parents, en raison de la mauvaise connexion et de la mauvaise gestion de la classe par certains enseignants dans les secteurs privé et public.

 

Où va l’éducation après le Covid-19 ?

Formation

Depuis le début de la pandémie, certaines écoles ont proposé une formation aux enseignants pour qu’ils puissent passer rapidement à l’enseignement à distance. La formation était cependant axée sur l’utilisation des outils plutôt que sur la personnalisation de la technologie pour la pédagogie et l’évaluation. Malgré cela, les enseignants, en particulier les « luddites » (c’est-à-dire les personnes qui s’opposent aux nouvelles technologies) d’entre eux, ont pu se familiariser avec les subtilités de la transition de l’enseignement vers des environnements d’apprentissage en ligne. Étant donné que la prestation en ligne va nous accompagner dans un futur proche, il est recommandé que la formation des enseignants englobe la conception pédagogique dirigée par des théories d’apprentissage.

 

Ressources pédagogiques ouvertes

Le secteur éducatif est appelé à diffuser des ressources pédagogiques supplémentaires qui soient accessibles gratuitement en ligne et qui se trouvent dans le domaine public. Les ressources créatives peuvent promouvoir un apprentissage autodirigé de manière à compenser la nature « statique » du manuel.

 

Stratégies

Des lois sur l’éducation visant à légaliser l’apprentissage en ligne devraient être élaborées, en vue de définir des normes d’assurance de qualité pour garantir la valeur et l’intégrité des modes de prestation en ligne.



[1] Voir la circulaire 15, https://www.mehe.gov.lb/ar/LegislationsRegulations/All/Details?LegislationRegulationId=1012

[2] Voir la circulaire 16, https://www.mehe.gov.lb/ar/LegislationsRegulations/All/Details?LegislationRegulationId=1010

[3] https://er.educause.edu/articles/2020/3/the-difference-between-emergency-remote-teaching-and-online-learning

[4] Branch, R. and Dousay, T. (2015). Survey of Instructional Design Models. Association for Educational

Communications and Technology (AECT).

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