Les « laboratoires » de vérification des faits du Liban tentent d’éradiquer le « virus » des fausses informations

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Posté sur déc. 09 2020 par Christy Belle Geha, Journaliste 7 minutes de lecture
Les « laboratoires » de vérification des faits du Liban  tentent d’éradiquer le « virus » des fausses informations
Tiffany Mojaes
Les laboratoires médicaux affrontent de nombreux défis pour lutter contre le Covid-19 et freiner sa propagation. Parallèlement, d’autres laboratoires œuvrent sans relâche pour endiguer une autre forme d’épidémie qui affecte également les esprits. Il s’agit de l’infodémie, telle que désignée par l’Organisation mondiale de la santé.

Les laboratoires médicaux affrontent de nombreux défis pour lutter contre le Covid-19 et freiner sa propagation. Parallèlement, d’autres laboratoires œuvrent sans relâche pour endiguer une autre forme d’épidémie qui affecte également les esprits. Il s’agit de l’infodémie, telle que désignée par l’Organisation mondiale de la santé.

Le « système immunitaire » du Liban a été considérablement affecté par la flambée délirante des fausses nouvelles, notamment depuis le début de 2019 à la suite de la détérioration de la situation économique. La double explosion du port de Beyrouth le 4 août a contribué, encore plus, à l’émergence de fausses informations.

Pour atténuer l’impact de la confiance dégradée dans les sources bien informées, alors que les citoyens sont manipulés sur le plan de l’info, de nombreux « laboratoires » de vérification des faits interviennent au Liban, à l’échelle individuelle, organisationnelle et nationale, pour doter les citoyens d’outils susceptibles de leur permettre de distinguer le faux de l’authentique en période d’instabilité.

À l’échelle locale : la vérification quotidienne des faits permet d’éloigner les fausses nouvelles

Au début de l’année en cours, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’ONG Dawaer ont choisi des jeunes, garçons et filles, de dix régions libanaises pour suivre une formation sur la vérification des faits. Nancy Souky, volontaire de la région de Choueifate, ne s’attendait pas au changement qu’elle allait sentir auprès de son entourage depuis qu’elle a rejoint la formation. Elle explique que les gens se demandent désormais si les groupes WhatsApp dont ils font partie sont la seule source sûre d’informations.

« Nous avons développé ce que nous avons acquis lors de la formation en une campagne baptisée صحتك من صحة الخبر (Ta santé provient de la véracité de l’information), ajoute-t-elle. Il s’agit d’une initiative menée par des jeunes sur les réseaux sociaux qui a pour objectif de lutter contre les fausses nouvelles au Liban et aider notre société à vérifier la véracité ou la fausseté des informations numériques qui circulent sur le Covid-19. Depuis avril 2020, nous surveillons les canulars et diffusons des informations corrigées sur Facebook (1) et Instagram (2). »

Le 12 août, une équipe de la campagne a vérifié plusieurs messages vocaux ayant circulé sur les réseaux sociaux qui laissaient entendre que la Croix-Rouge libanaise avait mis en garde contre de possibles explosions après le 4 août et que l’ambassade de France avait demandé à ses ressortissants de rester chez eux pendant 48 heures pour les mêmes motifs.

El3asas (العَسس), c’est-à-dire les veilleurs de nuit, est une autre initiative volontaire qui essaie d’offrir aux Libanais des informations précises, alors que la désinformation écrasante dans laquelle le pays s’est enlisé, notamment depuis le soulèvement populaire d’octobre, bat son plein. C’est alors qu’El3asas a officiellement élargi l’éventail de ses activités pour démonter les canulars répandus quelques mois auparavant.

« El3asas diffuse les informations corrigées sur Facebook (3), Twitter (4) et Instagram (5), grâce à une équipe d’indépendants et de salariés, formée de concepteurs graphiques, de vérificateurs de faits, de correcteurs et de juristes, qui investissent beaucoup dans cette cause », a noté Youmna Fawaz, l’une des initiatrices d’El3asas. « Les mensonges que nous débusquons sont sélectionnés suivant le rythme de leur circulation. Plus ils se répandent, plus nous recherchons leurs origines et leurs motivations, afin d’utiliser plus tard des faits qui les corrigent », poursuit-elle.

Le 29 septembre, à titre d’exemple, El3asas a publié une photo du président français Emmanuel Macron assistant le 10 mars à une visioconférence qui s’est tenue avec des dirigeants de l’Union européenne. Cette même photo avait été retouchée au début du mois d’août pour montrer le chef de l’Élysée tenant une réunion virtuelle présumée avec le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah.

 

Grand angle : une vision plus claire et un public plus large

Pour Hala Homsi, seule vérificatrice des faits du site web d’an-Nahar, corriger les perceptions erronées est un processus basé davantage sur des informations d’intérêt général dont les répercussions pourraient accroître la peur au sein des collectivités, que sur la circulation même de l’information.

« Pour réduire la propagation de fausses nouvelles, images et vidéos, je surveille les médias sociaux et les sites d’information en ligne non fiables. Je recherche des sources crédibles pour fournir au public des références précises via la section Fact Checking # النهار_تتحقق (6) que le site web d’an-Nahar a lancé en janvier 2018 », a déclaré Mme Homsi.

Le 18 août (7), le site d’an-Nahar a publié à titre d’exemple une information montrant la fausseté des rumeurs selon lesquelles les aides faites par l’Unicef au profit des personnes sinistrées par l’explosion de Beyrouth étaient vendues.

Khaled Soubeih, coordinateur de la vérification des faits en arabe à l’AFP –factuel (8), distingue quant à lui trois courants de désinformation liés à la pandémie. Ceux-ci ont émergé selon lui de près de 130 canulars dans le monde arabe que le service de vérification des faits de l’agence a démystifiés pendant trois mois.

« L’information selon laquelle la pandémie est un mensonge, voire un artefact politique, reste la fausse information la plus populaire ayant circulé au Liban et dans le monde. Alimentées par les théoriciens du complot, ces nouvelles ont permis aux gens de s’échapper mentalement vers un univers parallèle délirant, où la pandémie ne sévit pas. Les fausses informations en matière de santé (comme celle selon laquelle l’ail, l’oignon et le citron sont des armes contre le coronavirus) ont été aussi largement partagées, mettant des vies en danger. Troisièmement, les fausses données culturelles concernant le virus parcourent le monde », précise M. Soubeih.

Considérés comme des « vérificateurs de faits de tierce partie » par Facebook depuis 2019, les vérificateurs de faits de l’AFP enquêtent sur les informations mensongères pour les rectifier, aux côtés du Réseau international de vérification des faits (International Fact-Checking Network-IFCN), en taguant les publications inexactes sur Facebook.

De plus, depuis près d’un an, le site web de la chaîne de télévision locale LBCI met l’accent sur les intox dans la rubrique خبر كاذب (fake news - 9), comme le soutient Toni Kassab, rédacteur en chef du site Web LBCI News. « Les corrections peuvent aider à réduire les perceptions erronées en ligne, mais elles peuvent difficilement les éradiquer, car les fausses nouvelles intentionnellement nuisibles ont un plus grand impact étant donné leur nature orientée vers l’instinct », ajoute-t-il.

En fait, un effet de « chambre d’écho » en ligne est créé à chaque fois que les utilisateurs des réseaux sociaux s’associent à des personnes qui partagent les mêmes idées, renforçant leurs préjugés, ce qui rend plus difficile de prouver que les « sources » sont trompeuses.

Au nombre des intox ayant circulé à large échelle lors de la crise du Covid-19, l’enregistrement inhabituel, il y a quelques mois, de près de 100 cas de contaminations au coronavirus, ce qui avait retardé la publication du bilan quotidien du ministère de la Santé, provoquant une vive panique. Même certains journalistes y avaient cru !

 

Sur un plan global : guérir une nation

En mars 2020, le PNUD a lancé, en partenariat avec la chaîne de télévision locale LBCI, une campagne nationale de sensibilisation intitulée « Comptez jusqu’à 10 avant de partager des informations non-vérifiées » (10). Elle a pour objectif de limiter la diffusion de fausses informations et de mettre l’accent sur la nécessité d’une consommation sûre des nouvelles à travers des infographies et des contributions d’influenceurs locaux.

Dix activités en relation avec le Covid-19 comprenant entre autres de petites vidéos menées sur les réseaux sociaux ont fait partie de cette campagne à ce jour. De plus, quatre publicités télévisées et vidéos ont été diffusées dans ce cadre durant le mois de novembre.

 

 

1-https://www.facebook.com/pages/category/News---Media-Website/%D8%B5%D8%AD%D8%AA%D9%83-%D9%85%D9%86-%D8%B5%D8%AD%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%AE%D8%A8%D8%B1-101805838163725/

2-https://www.instagram.com/so7tak_men_so7et_lkhabar/

3-https://www.facebook.com/El3asas/

4-https://twitter.com/el3asas

5-https://www.instagram.com/el3asas/

6-https://www.annahar.com/section/567-%D8%A7%D9%84%D9%86%D9%87%D8%A7%D8%B1-%D8%AA%D9%88%D8%A7%D8%AC%D9%87-%D8%A7%D9%84%D8%A3%D8%AE%D8%A8%D8%A7%D8%B1-%D8%A7%D9%84%D9%85%D8%B2%D9%8A%D9%81%D8%A9

7-https://www.annahar.com/arabic/article/1258312-%D8%A7%D9%84%D9%8A%D9%88%D9%86%D9%8A%D8%B3%D9%81-%D8%AA%D9%88%D8%B6%D8%AD-%D8%AD%D9%82%D9%8A%D9%82%D8%A9-%D8%AA%D8%A8%D8%B1%D8%B9%D8%A7%D8%AA-%D9%84%D9%87%D8%A7-%D8%AA%D8%A8%D8%A7%D8%B9-%D9%81%D9%8A-%D9%85%D8%AA%D8%AC%D8%B1-%D9%84%D9%85-%D9%86%D8%AC%D8%AF-%D9%85%D8%A7-%D9%8A%D8%A4%D9%83%D8%AF-%D8%B0%D9%84%D9%83-factcheck

8-https://factuel.afp.com/ar

9-https://www.lbcgroup.tv/search/%D8%AE%D8%A8%D8%B1-%D9%83%D8%A7%D8%B0%D8%A8

10-https://www.facebook.com/watch/?v=241372277235966

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