Les cheminées de la centrale de Zouk : des menaces de cancer et de mort

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Posté sur mars 24 2021 par Pascal Sawma, Journaliste 5 minutes de lecture
Les cheminées de la centrale de Zouk : des menaces de cancer et de mort
©Adra Kandil
Le problème à Zouk ne se pose pas seulement au niveau du trafic à cause de l’autoroute Beyrouth-Tripoli. Depuis de nombreuses années déjà, cette localité du Kesrouan est pratiquement encerclée par la fumée qui se dégage des cheminées de la centrale électrique construite sur sa côte. En hiver, les émissions toxiques se mélangent aux nuages pour former une masse blanche au-dessus de la tête des habitants qui ont peur de se promener dans leur ville, de se tenir à leurs balcons, voire même d’ouvrir leurs fenêtres.

Le problème à Zouk ne se pose pas seulement au niveau du trafic à cause de l’autoroute Beyrouth-Tripoli. Depuis de nombreuses années déjà, cette localité du Kesrouan est pratiquement encerclée par la fumée qui se dégage des cheminées de la centrale électrique construite sur sa côte. En hiver, les émissions toxiques se mélangent aux nuages pour former une masse blanche au-dessus de la tête des habitants qui ont peur de se promener dans leur ville, de se tenir à leurs balcons, voire même d’ouvrir leurs fenêtres.

Les deux cheminées se sont toujours dressées, immuables, au fil d’une époque qui a vu passer de nombreuses générations. Ils sont les témoins de la crise de l’électricité à laquelle l’État n’a pas réussi, pendant des décennies, à trouver une solution. Comme beaucoup d’autres crises qui persistent dans le pays, le règlement de cette crise semble nécessiter un miracle.

Les deux cheminées de la centrale de Zouk  sont ainsi devenues le triste trait marquant de la ville. Elles continuent de dégager tranquillement leur fumée tandis que les habitants sont confrontés au quotidien, à chaque respiration et sortie, à des risques qui pèsent sur leur santé et économie.

La centrale électrique a été construite en 1956 et devait fonctionner au gaz. Sauf qu’elle s’est rapidement transformée en une infrastructure qui menace son environnement, la vie et la sécurité des riverains, parce qu’aucune des promesses de règlement, formulées durant les dernières décennies n’a été tenue, malgré les changements de présidents, de gouvernements et de Parlements. L’inaction et la question des quotas ont fait que ce problème persiste jusqu’aujourd’hui et que Zouk, comme plusieurs autres régions libanaises souffre toujours des coupures du courant électrique.

«Je vis depuis dix ans à Zouk et je me suis faite à l'idée de ne pas ouvrir les fenêtres et les portes des balcons. J'ai acheté un sèche-linge et j'étends mon linge à l'intérieur de la maison, pour que la fumée de la  centrale électrique ne le contamine pas », confie Najwa, avant d’ajouter : « Mon fils souffre de problèmes respiratoires alors qu’il n’a que cinq ans ». « C'est à cause de la pollution », martèle-t-elle.

Moustapha Raad, journaliste qui traite les sujets écologiques, évoque cette affaire comme étant « le dossier noir de Zouk ». « Celui-ci, explique-t-il, a représenté pendant des années une matière riche à débat d’autant qu’il a entraîné une hausse des taux de cancer et impacté la végétation de la région. Selon lui, « de nombreuses personnes vivant à proximité de la centrale ont perdu un être cher à cause du cancer ou connaissent quelqu’un qui a le cancer ». « Les pluies acides sont généralement actives dans ces zones lorsqu'il y a un problème avec les filtres alors que EDL dit respecter les normes écologiques correspondantes », commente-t-il, en faisant observer que « le plan national de gestion de la pollution de l'air n'est pas conforme aux normes internationales relatives à la pollution de l'air et devrait être révisé sans tarder pour protéger la population contre les risques de décès ».

Moustapha Raad estime que « la centrale de Zouk et la fumée qui s’en dégage sont à l’origine de problèmes de santé terrifiants dans un diamètre de 1 à 20 km ». Il fait état notamment de « maladies pulmonaires entraînant des difficultés respiratoires et de l'asthme, ainsi que des maladies cutanées et oculaires, le tout constituant une menace pour les enfants à court terme, et pouvant provoquer des cancers après 5 ans d'inhalation d’un mélange de gaz toxiques détectés dans les fumées noires ».

« Scientifiquement, ces nuages noirs contiennent du dioxyde d'azote, du dioxyde de soufre, de la suie et d'autres substances toxiques que nous inhalons au quotidien », poursuit le journaliste. Il rappelle une étude établie par Greenpeace  qui situe en 2018 Jounieh à la cinquième place sur la liste des villes arabes dont la pollution atmosphérique est la plus élevée, à cause du nombre élevé d’usines, dont la centrale de Zouk, dans le secteur.

Les habitants de Zouk mènent depuis 1973 un combat contre la centrale électrique et la pollution qu’elle provoque et plus précisément depuis que les turbines se sont mises à dégager de la fumée de soufre lourde et épaisse, qui a détruit les cultures dans la vallée de Nahr el-Kalb.

La région était pourtant historiquement réputée pour ses plaines fertiles et ses collines plantées d'amandiers, de citronniers et d'oliviers. On y venait aussi d’autres régions pour le travail, l’éducation, voire le shopping, grâce à son marché commercial florissant. Zouk Mikael est situé à 14 kilomètres de Beyrouth, et s'étend entre le littoral et les collines, dont la plus élevée plafonne à 285 mètres.

Au fil des années, Zouk s'est efforcé de se construire une identité et de la conserver, mais celle-ci a été menacée par la guerre et a failli être anéantie par « les cheminées de la mort », l’'identité de la ville étant liée à ces structures. Aujourd'hui, 35 000 personnes paient le prix du système de quotas et de la négligence, en l’absence de toute perspective de règlement du problème de la pollution d’une centrale qui crache ses toxines dans l'air, le sol, la mer, et même dans les corps de la population, en dépit de nombreuses propositions de règlements. 

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